Mobilisation pour l’accueil du Nouveau Roi
Sa Dignité Tatang Mbogning Robert, Chef de la Communauté Batcham de Yaoundé – COBY, nous fait l’honneur de répondre aux questions du journal Mesa’ako Patsoon, pour son édition spéciale consacrée à l’intronisation du nouveau Chef Supérieur Batcham.
Entretien réalisé pour Mésa’ako Patsoon par Barack Théo Atanga (M.P/ Barack Théo).
M.P : Votre Dignité, bonjour ! Merci de nous faire l’honneur de répondre à nos questions pour Mésa’ako Patsoon. Votre contribution est essentielle pour éclairer nos lecteurs sur notre communauté. On vous connaît déjà, mais Mésa’ako Patsoon aimerait que vous vous présentiez un peu plus. Qui est réellement Sa Dignité Tatang ?
S.D. Tatang Mbogning : Oui, d’accord. Je suis Tatang Mbogning Robert. Je suis né à Batcham, dans le secteur Megouo’o, au village de Baletsie. Je suis le deuxième fils d’une grande famille de Baletsie.
J’ai été à l’école, puis je suis entré à l’ENAM, où j’ai passé deux ans (1999-2001). À ma sortie, j’ai été directement affecté au Ministère des Finances, où j’ai travaillé de 2001 à 2015. Entre-temps, j’ai été nommé Contrôleur financier auprès du Ministère de l’Enseignement Supérieur, puis Contrôleur financier à l’INC, l’Institut National de Cartographie.
Ayant atteint l’âge de la retraite, le Ministre des Finances m’a contacté et m’a proposé un contrat pour redresser les finances de l’ANAFOR, ce qui a été fait avec succès. Aujourd’hui, je suis marié à une gentille dame qui n’est autre que la Reine Mère, récemment élevée à la Haute Dignité Batcham sous le titre de Mafouo Tchouté. Elle m’a donné plusieurs enfants. Je suis père de plusieurs enfants et de petits-fils.
Voilà, en bref, ma vie à Yaoundé.
M.P : Merci, Votre Dignité. Nous aimerions aussi savoir si Sa Dignité Tatang a été choisie ou plébiscitée par les membres de la communauté Batcham de Yaoundé. Pouvez-vous nous en dire plus ?
S.D. Tatang Mbogning : Merci, Barack Théo. Après l’ENAM, les membres du secteur Megouo’o m’ont invité à une réunion. Je suis venu, et ils m’ont choisi comme chef du Secteur Megouo’o à Yaoundé. Après 14 ans à ce poste, je cherchais déjà des personnes pour prendre le relais. Certains jeunes Batcham sont venus me demander de prendre la place de Chef de la communauté Batcham de Yaoundé. J’ai accepté, par amour pour la Communauté. Mais ça n’a pas été facile. J’ai insisté pour un vote afin de respecter les statuts de la COBY. J’étais le seul candidat et j’ai été plébiscité à 99 %. J’ai donc obtenu cette place par le vote.
Je suis en poste depuis 2019. Les notables sont venus du village ; à l’époque, il n’y avait pas encore de Chef Supérieur. Tout s’est très bien passé grâce à l’organisation mise en place par les Batcham de Yaoundé. La cérémonie de mon installation a eu lieu au Palais des Sports. Depuis lors, je suis toujours là.
M.P : Votre Dignité, comment se porte la COBY ?
S.D. Tatang Mbogning : Oui, je peux vous dire sans ambages que la COBY se porte relativement bien. La COBY est une organisation structurée avec des démembrements. Nous avons ici à Yaoundé des secteurs géographiques et des secteurs de développement, qui représentent les sous-comités de développement du Groupement ici à Yaoundé. Les choses sont organisées de manière à ce que l’information et les décisions circulent de la base vers le sommet et du sommet vers la base. Je pense que c’est ce qu’on attend d’une communauté comme la nôtre.
M.P : Merci, Votre Dignité. C’est-à-dire que ça va du sommet au secteur géographique et vers les secteurs de développement. Peut-on avoir le chiffre de la population de ces secteurs géographiques et même des secteurs de développement ?
S.D. Tatang Mbogning : Je vais commencer par les secteurs de développement. Nous savons qu’il y a 12 secteurs de développement répartis depuis le village. Ici à Yaoundé, il y a une vingtaine de secteurs géographiques.
Mais il y a encore beaucoup de zones qui attendent d’être pourvu par la chefferie de Yaoundé. Les gens se manifestent pour prendre des postes. J’ai l’intention, après l’intronisation de Fouo Djiotsoon le 9 août, de revenir m’asseoir avec le bureau de la COBY. Nous avons déjà mis en place le Conseil Supérieur et le Comité Exécutif. Avec ces deux instances, nous allons nous concerter pour voir comment créer de nouveaux secteurs géographiques dans les zones reculées. Nous attendons de désigner de nouveaux secteurs. La Communauté grandit de jour en jour.
M.P : Votre Dignité, peut-on savoir combien de Chefs se sont déjà succédé à la tête de la COBY ? Vous êtes à peu près le quantième Chef de la COBY ?
S.D. Tatang Mbogning : La COBY a été créée, comme je l’ai dit, à partir de 1965, par nos pères qui étaient arrivés ici à l’époque. Je suis actuellement le 7ème Chef.
M.P : Le 7ème Chef qui dirige une population estimée à combien ?
S.D. Tatang Mbogning : Nous estimons pouvoir atteindre facilement 10 000 personnes. Il est vrai que sur ces 10 000, nous avons environ 4 000 inscrits. Quand nous lançons des appels, nous voyons effectivement 4 000 membres. Il faut savoir que les inscrits sont principalement des parents. Pour ce qui est de la population réelle, il faudrait multiplier le nombre de parents par une moyenne de personnes par famille. Mais il y a beaucoup de perditions. Il y a beaucoup de gens qui ne savent même pas que la COBY existe.
Mais il y a beaucoup de perditions, beaucoup de gens ne savent même pas que la COBY existe. Mon travail, depuis mon arrivée, est de faire en sorte que le Batcham ressente la présence de la COBY au sein de la population Batcham de Yaoundé.
M.P : Merci, Votre Dignité. Parmi les 6 précédents Chefs, avez-vous un modèle ?
S.D. Tatang Mbogning : Celui que je viens de remplacer a passé plus de 12 ans au poste de chef de la COBY. Je pense que c’est le modèle. Les autres, je ne les ai pas bien connus.
Je suis arrivé quand la plupart étaient déjà de l’autre côté (disparus). Ils ont rejoint les ancêtres. Celui qui reste et qui est comme mon conseil, c’est le Chef Fouegoum, que je viens de remplacer. Je crois que c’est mon modèle. En tant qu’ancien Chef, Chef COBY Émérite et conformément aux Statuts de la COBY, il est mon Conseiller.
M.P : Votre Dignité, dites-nous comment est organisée votre cour ?
S.D. Tatang Mbogning : Eh bien, ma cour est organisée comme les autres cours de chefferie. Nous avons les notables. Nous avons les Chefs de Secteurs de développement et les Chefs de Secteurs géographiques. Nous avons le Président du Conseil Supérieur, le Président du Comité Exécutif, le Président de la Réunion Générale Hommes, la Présidente de la Réunion Générale Femmes, le Président de la Réunion Générale Étudiants et Etudiantes. Voici donc les organes avec lesquels je dois gouverner et que je gouverne. Le seul problème que tous ces organes rencontrent, c’est le manque de fonds de fonctionnement. C’est avec le nouveau texte que nous venons de mettre en place que les réunions seront davantage tenues de fournir des fonds de fonctionnement à la chefferie pour que ces démembrements puissent bien fonctionner.
M.P : Merci, Votre Dignité. Pouvez-vous nous dire quelles sont les réalisations majeures de la communauté dont vous avez la charge ?
S.D. Tatang Mbogning : Les réalisations sont nombreuses. Mais ce qui est le plus marquant, c’est le Grand Foyer Culturel Batcham que nous voyons ici au plateau, à côté du Père Soufou (Quartier Carrière, Gros Bouquet à Yaoundé). J’ai pris le règne quand la structure du foyer était déjà construite. Pendant mon mandat, j’ai pu installer le carrelage, l’électricité, l’eau, et le foyer a fonctionné à merveille.
M.P : Merci, Votre Dignité. Jusqu’ici, avez-vous des projets ou des initiatives futures ?
S.D. Tatang Mbogning : Oui, quand j’ai pris le règne, il y avait une structure que mes prédécesseurs avaient mise en place. J’avais pensé que nous devions l’améliorer davantage, mais ce qui nous freine actuellement, ce sont les moyens. Nous avons une dépendance derrière que j’ai rénovée. Nous sommes au niveau de la toiture ; nous en avions mis une, mais actuellement, un stade de football a été créé à côté. Cela a perturbé et cassé la toiture. Aujourd’hui, il faut refaire la toiture. Mais je suis très heureux parce que les démembrements s’activent. Il y a des quartiers, il y a des secteurs qui ont déjà leur foyer, il y en a qui ont seulement acheté les lots, il y en a qui ont déjà construit. Et cela entre dans l’actif de la COBY. La COBY grandit, on construit des foyers un peu partout dans la ville. Bientôt, presque tous les secteurs de développement auront chacun leur foyer. Et puis, nous nous sommes étendus, nous avons créé de nouveaux secteurs géographiques.
M.P : Votre Dignité, rencontrez-vous des obstacles à la mobilisation des vôtres à Yaoundé ?
S.D. Tatang Mbogning : Eh bien ! Je ne peux pas dire oui, je ne peux pas dire non, mais les obstacles ne manquent pas. Il y en a toujours, mais ce sont des obstacles mineurs, parce que quand le chef tourne le dos, on le boude. Mais quand il est là, il y a une mobilisation. Je peux dire qu’il y a une mobilisation tous azimuts autour du Chef, chaque fois qu’il y a un projet.
Il y a le S25, il y a le CECOBY, des structures comme ça qui m’épaulent. Il y a des réunions générales, femmes comme hommes. Ce qui est quasiment inexistant pour le moment, ce sont les étudiants. La Présidente est presque seule et ne peut pas tout faire. C’est là où j’ai un peu de difficultés.
M.P : Votre Dignité, comment envisagez-vous de surmonter ces défis ?
S.D. Tatang Mbogning : L’année prochaine, après l’intronisation du Chef Supérieur, beaucoup de choses devraient changer dans notre système de gestion ici en ville. Parce qu’aujourd’hui, les choses traînent du fait que la Grande Chefferie du village était vide. Beaucoup de gens ne comprenaient pas l’importance de la communauté. Comme le Chef est là, et que les Chefs de communauté sont d’office ses représentants, je pense que de plus en plus, ces Chefs de communautés seront respectés et seront compris.
M.P : Votre Dignité, nous continuons. Avec une transition vers l’intronisation de notre roi, le 14ème, après 17 ans de vacance. Comment la COBY se prépare-t-elle à cet événement grandiose ?
S.D. Tatang Mbogning : Le vide était très long. 17 ans, il faut vraiment le vivre pour comprendre. Ce n’était pas facile. Eh bien, je peux dire que Yaoundé et ses environs ont compris l’importance de la sortie officielle et de l’intronisation du nouveau roi. Car nous pouvons regarder seulement les cotisations. Quand on calcule ce qui est sorti de Yaoundé, nous sommes à moins de 35 millions. Le S25 a débloqué 20 millions. La COBY est en train de mobiliser pas moins de 3 millions. Les secteurs et les réunions sont autour de presque 10 millions. Donc, je pense que nous allons bien cotiser, sachant qu’il y a moins de 3 mois que cette opération a été lancée. Jusqu’à ce 27 juillet, je viens de recevoir de l’argent de certaines personnes qui se sont organisées seules. Nous n’avons même jamais été vers elles. Elles sont venues me voir avec une enveloppe de 100 000. Il s’agit de nos frères policiers. On pensait qu’ils ne donnaient jamais à boire à quelqu’un. Ils sont venus me dire, Papa, on ne peut pas aller au village sans que nous puissions présenter notre cotisation. Comme le groupe de jeunes, que toi-même Barack a accompagné dernièrement à la chefferie. Des groupes de jeunes dont le Chef n’était même pas au courant de leur existence, mais ils ont cotisé l’argent pour venir remettre au Chef il y a une semaine. Et ça m’a beaucoup marqué. Je conclue là que l’homme Batcham a compris la nécessité de travailler pour que la sortie officielle du Roi soit vraiment un succès éclatant.
M.P : Votre Dignité, quel sentiment vous anime à l’approche de cette nouvelle page de notre histoire ?
S.D. Tatang Mbogning : Oui, vraiment, je suis très fier, très content. Vous connaissez d’office ma position, ma position de tuteur de l’Enfant Roi. Quand tu as semé un arbre qui va produire des fruits, tu ne peux être que très content. Puisqu’on ne lance le caillou que sur un arbre qui a des fruits. Si l’arbre ne porte pas de fruits, on ne va jamais y lancer de cailloux. Donc mon souci c’est que mon fils, le Roi, réussisse sa tâche, qu’il fasse sa tâche avec abnégation, qu’il se rappelle toujours des conseils à lui procurer par moi et ma famille au temps où on était ensemble. Je n’ai pas peur parce que je sais qu’on a formé un homme responsable qui prend le règne à la Chefferie Supérieure Batcham.
M.P : Votre Dignité, en résumé, vous placez son règne sous quel signe ?
S.D. Tatang Mbogning : Prospérité, Joie, Santé et Sagesse. Que la sagesse du roi Salomon l’habite pour qu’il conduise la destinée de Batcham en toute sincérité.
M.P : Votre Dignité, au rang des priorités, quels sont les défis majeurs qui attendent le nouveau roi ?
S.D. Tatang Mbogning : Il y en a beaucoup. Batcham regorge de problèmes. Pendant l’absence du Chef, certains chefs de troisième degré se sont presque auto-proclamés indépendants. La première chose est de réunir les élites, les chefs de troisième degré et les notables sept et neuf pour qu’ils tiennent de grandes réunions afin d’apaiser les esprits des gens qui étaient déjà focalisés sur autre chose. Le Chef étant désormais là, tout le monde l’attend sur ce débat.
Il faut qu’il soit humble, qu’il soit disponible, qu’il accepte d’accueillir dans la chefferie tous ceux qui frappent à ses portes et les écoute avant de prendre des décisions. En tant que tuteur et en tant que représentant à Yaoundé, je ne manquerai pas toujours de me rapprocher de la chefferie, de l’aider au mieux de mes possibilités. Je ne pourrai jamais le lâcher. On ne peut pas élever quelqu’un et le lâcher après.
M.P : Votre Dignité, tout à l’heure vous disiez que parmi les fils et filles de la communauté que vous dirigez, beaucoup de membres ne connaissent pas encore l’existence d’une communauté forte. Mais ressortons de là pour savoir si cette communauté a une attente particulière ou même spécifique vis-à-vis du Nouveau Roi qui arrive.
S.D. Tatang Mbogning : Oui, effectivement. L’arrivée officielle du Chef Supérieur à Yaoundé fera tache d’huile. Cela fera en sorte que les masses, les médias et les masses populaires viennent l’écouter et c’est là où nous allons accueillir les gens qui ne s’intéressent pas à la COBY. Dès qu’ils vont entendre que le Roi arrive, s’ils sont bien sensibilisés, s’ils sont au courant de son arrivée, ils vont se déplacer et c’est là où nous pourrions les accueillir.
Les masses attendent l’arrivée du Roi et on attend son conseil. On veut d’abord le découvrir, le voir et puis entendre ce qu’il va dire à la population. Parce que durant son séjour à Yaoundé, il n’était pas vulgaire. Il faisait juste l’école et ce n’était que l’école.
M.P : Votre Dignité, à présent je vous invite à formuler un seul vœu à l’endroit de Fouo Djiotsoon.
S.D. Tatang Mbogning : Fouo Djiotsoon ! Te voilà assis sur le trône de Batcham comme 14ème Roi après 17 ans. Vous-même, vous savez ce que les Batcham attendent de vous. Ils avaient soif d’avoir un Chef. Maintenant, te voilà bien formé et assis sur le trône. Ce que les Batcham attendent de vous, c’est la sérénité, c’est l’engagement au travail. Ce n’est pas le Chef de boîte de nuit qu’on attend. C’est le Chef qui va s’asseoir à la chefferie, trancher les litiges à son niveau, accueillir la population, conseiller la population, et surtout mettre de l’ordre dans la chefferie.
Mettre de l’ordre parce qu’en votre absence, beaucoup de choses se sont passées. Il faut recenser tout le patrimoine de la chefferie, créer un musée, créer des points d’attraction. Il y a des sites touristiques à Batcham. Le tourisme, c’est une activité qui rapporte aujourd’hui. Les gens passeront par la chefferie, peut-être payeront des tickets pour se rendre sur les lieux touristiques. Et si le Chef s’assoit et réfléchit, il aura l’aide de toute la population pour le faire. Si on va voir une Chute d’eau et que le Chef l’a bien organisée, il ne manquera de rien.
Le Chef est Chef quand il y a la population. Il n’y a pas de Chef sans population. Le Chef ne peut pas se dire « je suis Chef » et fuir la population. Il doit encadrer la population, il est le Père de tout le monde.
M.P : L’équipe du journal Mésa’ako Patsoon, le principal journal d’information du Groupement Batcham, vous remercie d’avoir accepté ce grand moment d’échange.
S.D. Tatang Mbogning : C’est moi qui vous remercie parce qu’en passant par cet échange, vous avez sondé dans ma tête toutes les idées que j’avais et que sans votre journal, ça n’aurait jamais pu atteindre les oreilles de tous les Batcham. Mais je sais que votre journal est lu. Pendant mon installation, on m’avait donné une centaine de journaux que j’avais distribués jusqu’en Occident. Et beaucoup de gens m’ont appelé pour dire que le journal est bien fait et que les informations sont bien traitées. Je sais que d’habitude, vous faites un travail très recherché, un bon travail, ce n’est pas un travail plat, c’est un travail avec beaucoup d’idées.
Je profite pour remercier votre équipe qui est toujours mise à contribution, toujours à l’écoute de la population Batcham, pour transmettre à travers le journal, les messages et la volonté des Batcham.
Merci beaucoup !
Fait ce 26 juillet 2025 à Yaoundé. Pour Mesa’ako Patsoon, Barack Théo.
© Mesa’ako Patsoon N° 009 juillet 2025, édition consacrée au Laakem et la sortie officielle de Fouo Djiotsoon.

